LE CHEMIN DU « MAT » VERS « LE MONDE »
- Jean-Bernard MICHEL

- 10 déc.
- 10 min de lecture

Ce jour-là, je me mis en tête d'approfondir un peu plus le Tarot de Marseille.
Je me rendis vite compte que plus je creusais, plus je lisais, plus je m’immergeais dans le secret de chacune des lames, et plus je me retrouvais submergé d’informations.
Vint alors la difficulté de les traiter, puis de choisir l'angle d'approche car il s’avérait impossible de tout aborder...
Tout le monde connaît ou croit connaître le Tarot, au moins pour ses capacités divinatoires qui ne sont pas, et de loin, les plus intéressantes.
L'origine de cet assemblage d'images médiévales est réputée inconnue. Cependant, on en prête le graphisme à Botticelli, dont on ne peut pas nier qu’il existe une forte ressemblance avec la grâce des modèles féminins de ses tableaux.
Par ailleurs, l'organisation des symboles des 22 lames est présumée provenir de Marcillio Ficino, premier traducteur de Platon au monde, grand érudit passionné par l’occultisme et l’hermétisme, philosophe-médecin au service de la famille des Medicis, à Florence. C’est d’autant plus probable que, sans surprise, Botticelli et Ficino se fréquentaient dans les années 1480.
Le Tarot est composé d’arcanes, c’est-à-dire de mystères. Chacun des arcanes du Tarot, qui en comporte 22, dont vingt et un sont numérotés, mériterait une planche à lui seul. En parcourant ces lames — seul le profane parlerait de « cartes » —, l’une d’elles se détacha du lot et me parut évidente :
Le Mat.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est le seul arcane sans numéro.
Il représente un personnage portant de la main gauche un baluchon en appui sur l’épaule droite, et tenant un bâton de marche. Il regarde le ciel en souriant vaguement, et va à grandes enjambées vers un destin inconnu. Il a un accro à son pantalon. Un petit animal derrière lui essaye de lui voler sa bourse. Tout laisse à penser qu’il ne possède rien, si ce n’est la liberté.
Contrairement aux autres qui ont tous une position fixe, un rôle, une fonction ou un état, le Mat, lui, n’a sa place nulle part et partout.

Dans le monde humain, ce pourrait être un personnage décalé, incompris des autres, raillé car paraissant indigent, détaché des biens matériels et semblant poursuivre un but inaccessible. Un benêt ou un sage ?
Il est en route vers on ne sait où. Il semble porteur d’espoir, les yeux perdus vers son étoile à laquelle il croit, quelque part dans le ciel.
Le Mat est jugé totalement profane et ignorant lorsqu’il est positionné au début des lames. Cet emplacement est considéré comme le départ de son voyage.
Gageons que par ses rencontres, sa volonté d’apprendre et son immense curiosité sur les choses de l’univers, son but est d’atteindre la Sagesse, représentée par « Le Monde », en lame XXI. Y parviendra-t-il malgré toutes les embûches qu’il rencontrera sur son chemin, grâce à sa Force mentale acquise en cours de route, et sa recherche de la Beauté universelle ?
Il semblerait que oui, et pour ces raisons, le Mat me paraît l’arcane le plus intéressant et le plus intrigant à étudier. Mais comment y parviendra-t-il ?
Vecteur entre deux mondes, entre le ciel et la Terre, entre l’espoir irrationnel et la réalité tangible, concrète et rationnelle, il regarde son étoile tout en cheminant, au risque de trébucher sur une pierre brute. Il a les yeux tournés vers sa lueur éclatante dans le ciel et le bâton bien planté dans le sol pour éviter de tomber, le pas ferme sur un chemin désertique et ardu, où seules poussent quelques plantes par-ci par-là. Il représente de toute évidence la connexion entre le matériel et ce que l’on pourrait appeler « le divin », au sens spirituel du terme.
Je me reconnaissais dans ce Mat. J’étais ce voyageur, curieux de tout. Sans désir de conquête, mais en quête de vérité sur le chemin de la vie, à la recherche de mon guide, à la recherche de la lumière.
Novice sur Terre, attiré par cette étoile, je la suivais, ne la quittant pas des yeux, béat, souriant, me moquant des moqueries, porté par l’espoir de trouver enfin les trois choses que les profanes ne savent où chercher, à savoir :
— la Beauté, qui éclaire l’intérieur de l’âme.
— la Force, tranquille et naturelle, donc irréductible,
— et la Sagesse, synonyme de détachement, de sérénité, d’amour de la vie, libre et désintéressé.
Mais pour cela, il me fallait trouver le moyen de tracer mon parcours vers cette étoile.
Il me fallait un chemin pavé de dalles solides où mes pas pourraient s’appuyer sans chanceler, sans douter. Il me fallait donc un pont, un vecteur, entre cette étoile et le cherchant que représentait pour moi le Mat. Quel rapport y avait-il entre eux ?
Et si justement ce lien n’était-il pas le nombre d’Or ?
C’est là que l’idée me vint de l’y associer au Tarot.
Et alors là, j’allais bondir, étape après étape, de surprise en surprise.
Ainsi commença mon étude.
Il faut dire que je ne partais pas de rien. Ayant déjà un peu étudié le Tarot, je savais que ces représentations graphiques cachaient des secrets colportés du moyen-âge jusqu’à nous. N’oublions pas que l’inquisition avait sévi pendant plusieurs siècles et il était facile de se retrouver sur un bûcher quand on voulait manipuler des concepts occultes, voire anticléricaux. Le génie de ces secrets, de ces arcanes du Tarot donc, c’est qu’ils étaient offerts au grand jour et à tout profane, cachés dans chaque lame à travers des graphismes exposés à la vue de tout le monde. Si les décrypter était impossible pour le profane, les déchiffrer devenait accessible à l’initié. Or n’avais-je pas déjà commencé à l’être un peu, initié ?
C’est donc dans ces dispositions que le Mat que j’étais entreprit son voyage.
La première question que je devais me poser était : comment manipuler l’outil que représentait le nombre d’Or ? J’en connaissais la valeur : 1,618 033 988 749… jusqu’à l’infini…
Ce nombre magique, considéré comme divin, appelé Phi, est le résultat de la formule suivante : Φ= (√5 +1)/2
Le nombre d’or est donc une proportion, définie en géométrie comme l’unique rapport entre deux longueurs telles que le rapport de la somme des deux longueurs (a+b) sur la plus grande (a) soit égal à celui de la plus grande (a) sur la plus petite (b) c’est-à-dire lorsque (a+b)/a = a/b. Vous me suivez ? Je vous ai perdu ? Rassurez-vous.
Pour le dire plus simplement, dans un rectangle, la longueur doit être égale à deux fois la largeur.
Était-ce donc compatible avec la forme des lames ? Je commençais donc par vérifier la dimension de celles-ci, et m’aperçut qu’en effet, en pliant une lame en deux, j’obtenais un carré, autrement dit, la largeur de la lame était égale à la moitié de la longueur. Les dimensions respectaient donc la « divine proportion ». Ça commençait bien et m’encourageait à continuer.
Je me penchais ensuite sur les calculs de Mr Fibonacci, qui, au 13e siècle, avait étudié la reproduction des lapins pour justifier empiriquement ses calculs. Il avait démontré les « proportions divines » par une suite de chiffres magiques ayant une valeur cosmique permettant de développer une spirale divine. Cette forme spiralée est universelle, valable du plus petit mollusque, en passant par le Nautile, les vortex que fait l’eau en s’évacuant par l’orifice de la baignoire, jusqu’à la forme spirale des plus lointaines galaxies y compris la nôtre.
Parmi les chiffres de cette série qui tire vers l’infini, seuls les 7 premiers nous intéressent, à savoir les chiffres 1 - 2 - 3 - 5 - 8 - 13 et 21.
Mes amis, comme vous pouvez le remarquer, la clé de la suite de Fibonacci se situe dans l’addition des deux derniers chiffres afin d’obtenir le suivant. Pourquoi nous arrêtons-nous au chiffre 21 ? Eh bien parce que justement le nombre de lames du Tarot est de 21, en plus du Mat voyageur non numéroté.
Par conséquent, conformément au nombre d’Or, le voyage de notre Mat devra se faire en 7 étapes, entre son introduction dans le jeu par le premier arcane, le n° 1, « le Bateleur », jusqu’à son accès à la maîtrise, dernier arcane, n° XXI, appelé « le Monde », représentant le but ultime, la Sagesse.
Cela veut-il dire que notre Mat sera censé effectuer ces sept étapes particulières sur les arcanes correspondant à ces numéros ? Oui, c’est l’objectif. Nous devrons observer si les « divines proportions » sur le parcours sont bien respectées, c’est-à-dire si nous trouvons une correspondance entre le chemin du Mat sur les lames du Tarot et le nombre d’Or.
Commençons donc par étaler le jeu, du premier arcane jusqu’au vingt et unième. Puis faisons démarrer le voyage de notre Mat aventurier.
· L’arcane I représente le Bateleur.
C’est la première étape de la route tracée sur la « divine proportion » démontrée par Fibonacci. Nous y sommes, le chemin n’est pas long pour y arriver. Le bateleur est le parrain qui introduit le novice. Il s’agit d’un homme avenant, déjà aguerri et possédant plusieurs outils disposés devant lui sur une table. Il lui recommande de ne pas laisser son sort au hasard, mais au contraire de prendre son destin en main. De laisser tomber le masque de l’ego pour mieux se regarder dans le miroir de la vérité.
· L’arcane II : c’est le Bateleur, qui présente ensuite le Mat à « la Papesse ».
Cet arcane de haute valeur spirituelle représente une femme cultivée tenant un grand livre. Elle va commencer à délivrer les secrets des premiers préceptes alchimiques. L’initiation et la formation commencent. Le Mat s’enrichit d’un savoir. Il apprend l’existence de l’œuf cosmique, qui se trouve aux pieds de la Papesse. Il apprend surtout le silence, à visiter l’intérieur de soi-même.
Cette deuxième étape est essentielle avant de passer à…
· L’arcane III, l’Impératrice.
Celle-ci possède le sceptre exprimant l’autorité habilitée à dispenser le savoir et à surveiller l’évolution du jeune Mat, ravi d’absorber toutes ces nouvelles et fortes valeurs. C’est la troisième étape sur le chemin initiatique, le chemin d’Or.
· L’arcane V : Vient alors « le Pape ».
Ce Vénérable reçoit l’engagement du Mat devenu compagnon. Ce deuxième personnage visité depuis l’initiation lui indique la direction de son Étoile qui comporte 5 branches, tout comme le numéro V de l’arcane. Le désormais compagnon-voyageur est délivré du silence. Il est prêt à continuer sa route. Il passe entre les colonnes matérialisées sur la lame derrière « le Pape », et sort pour continuer son enseignement. Au passage, il passe par des rencontres émotionnellement fortes (l’Amoureux — lame VI) et utilise le chariot (lame VII) pour se déplacer encore plus loin.
· L’arcane VIII : Il arrive alors à la cinquième étape dans la suite de Fibonacci, appelée « la Justice ».
C’est une étape importante. Notre aventurier apprend au cours de son voyage l’importance de la parole, des engagements. Il apprend le sens de la mesure, à peser le pour et le contre de chaque chose, le Yin et le Yang, la dualité. Il apprend aussi à porter une arme, avec ce que cela représente de responsabilité symbolique. Il élève sa spiritualité et entraîne son troisième œil à percevoir l’intuition, ainsi qu’il se trouve sur le graphisme de l’arcane. Puis les épreuves initiatiques continuent en passant par des états de conscience différents selon les arcanes VIIII (l’Hermite), X (La Roue de Fortune), XI (la Force), XII (le Pendu), avant d’arriver enfin à l’étape de…
· L’arcane XIII, qui représente la Faux.
Ici, le Mat subit l’avant-dernière étape, et l’avant-dernière épreuve. L’arcane XIII, appelé « l’arcane sans nom », représente un squelette portant une faux. Le sol est jonché de débris et de restes humains. Les profanes, dans leur grande ignorance, l’appellent à tort « la Mort ». Il s’agit en fait d’une métamorphose, d’un changement d’état, d’une renaissance. Il s’agit d’une évolution mentale qui coupe court aux idées reçues, aux dogmes. Le pèlerin subit une transmutation qui l’élève. Il se dépouille de son égocentrisme, il laisse ses oripeaux. C’est un parcours obligé que le voyageur ressent à un moment sur son chemin, et qui lui permet, avant d’atteindre « Le Monde », de s’arrêter pour s’abreuver à l’arcane XVII (l’Étoile) qui l’a guidée jusque-là.
Il est intéressant de préciser que cet arcane XVII se trouve, dans le jeu de Tarot aussi appelé « le Livre de Thot », rattaché à la planète Mercure qui est celle d’Hermès le Trismégiste, et sa précieuse Table d’Émeraude, synthèse de la toute-puissance de la « Connaissance Hermétique » par la maîtrise de son incontournable langage analogique, ou « langage des oiseaux ».
Pour mes amis qui s’intéressent à la numérologie, ce nombre XVII est en deuxième position dans ce sixième ternaire (16-17-18), il est donc sous l’influence de la Conscience, à l’identique du Nombre Huit dont il est une déclinaison comme le précise sa réduction théosophique (1+7 = 8). Mercure/Hermès, le messager des dieux, mais aussi le divin thérapeute résume assez bien la réunion de la Connaissance (Justice) et de la pratique des pouvoirs magiques (thérapeute du corps et de l’âme-de-vie) auquel accède l’initié lorsqu’il parvient à ce « Mercure éthique ».
De ce messager des dieux, l’initié reçoit sa nourriture spirituelle sous forme de « lumières de connaissances » et d’influences astrales conscientes et inconscientes ; et en devenant volontairement ce fils d’Hermès, il devient le truchement de ce messager divin en reflétant ses lumières nourricières pour permettre de s’en nourrir à son tour.
La Table d’Émeraude est donc réellement la clé de ce nombre XVII. Elle exprime le travail qui doit s’effectuer afin de poursuivre la voie de son évolution, ce qui implique une lecture à travers les acquis des seize nombres précédents.
Ayant, par toutes ces épreuves, tendu vers la maîtrise de lui-même, voilà Le Mat enfin proche de son but ultime, qui est, rappelons-le, la recherche de la Sagesse.
Il passera par les arcanes de transition comme le Pendu (arcane XII), puis apprendra à maîtriser les passions avec le Diable (arcane XV), et aussi passera par l’astre lunaire et solaire (en arcane XVIII et XVIIII). Mais surtout, il aura fallu, passage essentiel sur le chemin, qu’il subisse l’épreuve de l’arcane XX, appelée « le Jugement », et cela juste avant l’ultime et septième étape…
· L’arcane XXI, qui représente la consécration à sa maîtrise dans la vie.
Il est remarquable de constater la charge symbolique de l’arcane du « Monde », le XXIe. Quatre animaux, un à chaque coin, représentant les quatre éléments, avec une femme nue à peine voilée, au centre, symbolisant le cinquième élément, la quintessence, elle-même entourée d’une couronne symbolisant l’Ouroboros, l’éternel recommencement de toute chose, enchevêtrement indémêlable de causes et de conséquences, marquage d’un changement tel qu’il propulse l’être à un niveau supérieur, céleste ou spiritualisé, symbolisé par le cercle. L’Ouroboros signifie aussi l’union des contraires, l’interaction entre le matériel et le spirituel.
L’arcane « Le MONDE », dans le Livre de Thot, est celui de l’accession à sa propre divinité. Il est le symbole de la maîtrise, maîtrise des cinq sens physiques, et des cinq sens spirituels qui donnent accès aux cinq sens divins de la supraconscience. Un tel niveau de conscience donne pouvoir sur les cinq éléments. Il est la démonstration du Tout cosmique, dont son chiffre 21, additionné, en est la représentation, puisque 2+1=3, le Tout, la divine et mystérieuse trilogie.
Il est surtout, enfin, la 7e et dernière étape dictée par la suite de Fibonacci sur le parcours initiatique vers la Connaissance, avec un C majuscule.
Des livres entiers ont été consacrés au Tarot. Il n’était pas question ici d’en détailler les mystères, ce qui dépasserait mes compétences actuelles, mais bien de montrer que ces vingt-deux arcanes représentent symboliquement le chemin que tout être voulant s’initier doit accomplir, en sept étapes majeures dictées par le nombre d’Or, avant d’arriver à la préhension du grand Tout cosmique, symbolisé par le Monde, arcane XXI.
Le nombre d’Or fait donc partie intégrante de cette démarche, et l’Étoile à cinq branches qui a guidé notre Mat est elle-même issue du nombre d’Or, tel qu’il l’a été démontré lors du passage de notre voyageur aventurier.
Par conséquent, m’étant identifié au Mat, mon parcours a été riche d’expériences et mon étoile m’a suggéré de nombreux voyages. Me voici aujourd’hui de passage sur l’arcane XX, celui du « Jugement ». Quel sera-t-il ?
Suis-je prêt à sauter, dans la suite de Fibonacci, du chiffre 5 au 7 ? Autrement dit, de l’arcane XIII, cinquième étape représentant la métamorphose, vers le XXIe, le Monde, septième et dernière étape représentant l’approche de la Sagesse ?

Qu’en pensez-vous, mes amis, vous qui m’avez suivi jusque-là dans ce voyage symbolique ? Avez-vous appris quelque chose du Tarot ?
Vos commentaires seront très appréciés…





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